Conférence de Dominique BOUTET

Histoire d’Allenc

Conférence de Dominique BOUTET le 4 août 2013

Tout d’abord, je tiens à rendre hommage à l’ouvrage de l’abbé Félix remize, Allenc. Sa baronnie, sa paroisse, sa communauté, Mende, Société des Lettres, 1921, sans lequel cette conférence n’aurait pas été possible. Une grande partie de mon information en provient.

 

- Le nom « Allenc » : formes attestées (latin et oc) : Helencum, Eleng (1123, bulle de Calixte II), Dalen, Delenh (accord sur Veyrines de 1229, hommage de 1283), Delein (ibid. et 1237), Heleng (1303), Hallenc, Elenc, Allenc (1601). Le nom serait d’origine gallo-romaine et serait à attribuer à l’abondance des eaux courantes (?). Lors du recensement de 1364 (après la Grande Peste de 1348, qui avait réduit des 2 tiers la population du Gévaudan), la paroisse d’Allenc (qui comprenait Laubert, et Montbel) avait 60 feux (Châteauneuf : 19, Le Bleymard : 18, Langogne : 40). Il y avait 238 feux autour de 1690.

Allenc, comme toutes les localités du Midi, était administré par des consuls (3 consuls, puis 1 procureur et 2 consuls). Félix Remize donne la liste des consuls de 1677 à 1747. Hyacinthe de Retz de Bressoles, seigneur du Villaret, est le premier « président-maire de la paroisse » d’Allenc (1694) dont on ait gardé la trace.

Allenc avait, autour de 1836, plus de 1700 habitants (mais son extension territoriale était plus grande).

I — Préhistoire

La Lozère est très riche en vestiges préhistoriques. Quelques vestiges du paléolithique moyen (dans les gorges calcaires ; - 25000 à – 35000 ans), mais, pour le néolithique, environ 300 dolmens et autant de menhirs (pour 198 communes). Allenc était habité dès le néolithique : il reste 1 dolmen incomplet (situé sur le plateau au-dessus de la Prade, à plus de 1200 m d’altitude), auquel il manque un côté et la dalle de couverture, mais qui est placé au sommet d’un tumulus d’une douzaine de mètres de diamètre ; il semble avoir été fouillé à date assez ancienne ; il a été surnommé « lit du géant » (surnom attesté dès 1529) ; et au moins 1 menhir, situé en bordure de chemin près du Goulet, vers la limite entre Allenc et Belvezet ; peut-être un autre (granit sur terrain calcaire) en bordure de départementale, non loin de la croix de la Prade.

II — Époque romaine

En – 52, les Gabales (Gévaudan < Gabalicum), alliés à d’autres peuples gaulois (dont les Arvernes de Vercingétorix), tentent vainement de résister à l’avance des armées de Jules César. La région sera alors fortement romanisée. La Lozère comporte 3 grandes implantations romaines : Javols, l’ancienne capitale des Gabales ; Banassac, où se fabriquaient des poteries exportées dans l’ensemble du monde romain ; et Lanuéjols, dont le mausolée est le monument romain le plus important du sud de la France après ceux de la vallée du Rhône et du Languedoc méditerranéen, et dont la population à l’époque romaine pouvait, selon les photographies aériennes, atteindre ou dépasser 2000 habitants. Il y a aussi Bagnols, dont les eaux étaient connues des Romains. Des fouilles ont également permis de mettre au jour des vestiges de villas (fermes) romaines, en Cévennes (Mont Mars) et sur le causse Méjean (Rouveret, fouille supervisée à la DRAC par Marie-Odile Valaison, qui avait une résidence à Allenc, il y a une vingtaine d’années.

Allenc n’a rien d’aussi prestigieux, mais l’implantation romaine y a laissé quelques traces :

- un vase en terre renfermant des pièces romaines (Pompée, Jules César, Marc-Antoine, Auguste : donc de l’époque de la conquête au début du 1er siècle ap. J-C) ; lieu de la trouvaille non précisé (« un village de la commune ») ;

- 8 médailles trouvées en 1820 (principalement du 1er et du IIe siècles), dont les types sont ceux d’Auguste, Vespasien, Trajan, Adrien et de la colonie de Nîmes ; la localisation exacte de la trouvaille n’est pas précisée ;

- un tertre en partie éboulé, à environ 400 m du village, à droite du ravin de Combeverti, avec des débris de briques et de poteries, dont le goulot d’une amphore ; Félix Remize pense y voir les vestiges d’un village détruit par un incendie ; mais ce pourrait être les restes d’un atelier de poterie.

- divers vestiges incertains, découverts à l’occasion de travaux (au-dessus du Beyrac, à l’Altaret…) ;

- mais la pièce la plus importante est le cippe de Gemina : une stèle funéraire en granit d’environ 1 m de hauteur sur 50 cm de côté, pesant environ 900 kg, portant la mention (en latin) : « Aux Dieux mânes. A la mémoire de Gemina, sa femme très douce, son mari Anticus ». Elle a servi jusqu’en 1880 de piédestal à la croix de Comte, et a ensuite été déposée au musée de Mende.

III — Du Moyen Âge aux temps modernes 

Avant le XIe siècle, le comte de Toulouse est comte de Gévaudan. Mais il existe, dès le Xe siècle, un vicomte, dont les possessions se réduisent progressivement à la région de Grèzes (entre Barjac et Marvejols) ; cette vicomté échoit en 1112, par mariage, au comte de Barcelone, puis, par héritage, en 1166, au roi d’Aragon. Celui-ci, au début du XIIIe siècle, s’alliant au comte Raymond VI de Toulouse dans la croisade albigeoise, l’évêque de Mende obtient, après la mort de Pierre II (1213) et diverses manœuvres, que le roi d’Aragon lui prête hommage  pour ses possessions en Gévaudan.

 Au XIIe siècle, le Gévaudan est donc un comté épiscopal (l’évêque de Mende est comte de Gévaudan) ; les barons et les seigneurs doivent donc prêter hommage à l’évêque. Il y a 8 baronnies, dont dépendent des châteaux secondaires avec leurs territoires (« mandements ») : Apchier, Canilhac (près de La Canourgue), Cénaret (près de Barjac), Florac, Mercœur (Haute-Loire, à quelques kms au N de Monistrol-d’Allier), Peyre, Randon et le Tournel. Au milieu du XIIe siècle, l’évêque de Mende, comte de Gévaudan, est Aldebert du Tournel, qui est mort emprisonné et assassiné en 1187 au château de Chapieu par son frère, le baron du Tournel.

Au Moyen Âge (et jusqu’à la Révolution) Allenc est d’abord une paroisse, qui englobe les actuelles communes de Laubert, Montbel et Villesoule. Il y a un château féodal (XIIIe siècle ?), situé sous l’église, avec un seigneur, mais d’autres seigneurs ont des parts dans les revenus des divers hameaux (en particulier les barons de Châteauneuf et du Tournel). Les châteaux de l’Arzalier (disparu ; il restait en 1920 des vestiges de la base d’une tour et le nom d’un « champ de la tour ») et du Villaret faisaient partie de la seigneurie d’Allenc.

Le cas d’Allenc est très significatif de ce que les historiens appellent le morcellement féodal : ainsi, au Moyen Âge, le baron du Tournel rendait hommage à l’évêque pour la moitié du château d’Allenc et du territoire qui en dépendait (ce qui veut dire que le baron du Tournel administrait directement cette partie) : le Villaret, le Mas Planti, l’Altaret, les Sallelles, et le Mazas (lequel était rattaché au château du Villaret, château secondaire). Le Jandric (ou Gendric), Veyrines et Laubert dépendaient au Chapitre de Mende (donc directement de l’autorité ecclésiastique ; mais un accord de 1229 transfère des droits sur Veyrines à Guillaume de Châteauneuf, et un acte de partage de 1255 donne Veyrines à Guy de Châteauneuf de Joyeuse) ; une partie du Beyrac et de Montbel, ainsi que Rousses et Roussials appartenaient aux barons de Randon. Le reste (Allenc avec son château et ses autres mas, mais aussi avec le château de l’Arzalier et ses dépendances, la Prade et le Mazel) constituait la seigneurie d’Allenc, constituée comme telle en 1255 à la suite d’un partage des biens du Tournel entre Gui de Châteauneuf et son neveu (le premier fondant la tige des barons de Joyeuse, le second celle des barons de St Remèze et d’Allenc). Mais les attributions variaient avec le temps (ce sont des biens patrimoniaux, transmissibles, partageables et même susceptibles d’être vendus) : ainsi, à la suite d’une vente, l’Arzalier et le Mazel passent sous l’autorité de la famille de Mirandol en juin 1531.

Plusieurs hameaux ont aujourd’hui disparu : la Pinède (sur le plateau vers la croix de la Prade), la Bastide (au S-E de la Pinède), peut-être le Cros (près de la Prade, non loin de la voie ferrée), et le Colombier (sans doute entre l’actuelle Croix de Comte — qui n’existe que depuis 1882 — et l’extrémité orientale du Bourg), dont la juridiction faisait l’objet d’un litige, en 1410, entre le Chapitre de Mende et le seigneur d’Allenc.

La baronnie du Tournel était subdivisée en 5 « mandements » (subdivision territoriale autour d’une forteresse secondaire mais encore importante où résidait un seigneur) : Chapieu (sur le causse, au-dessus de Lanuéjols), Montialoux (près de Rouffiac, entre Balsiège et Monmirat), Montmirat (jusqu’à Ispagnac), Villefort (qui s’étendait jusqu’à Concoules), et le Tournel. Donc un territoire considérable, qui englobait la plus grande partie du Mont Lozère. Allenc fait partie du « mandement » du Tournel (qui s’étend jusqu’à Cubières). Noter que dès le XIVe siècle les barons du Tournel ont abandonné leur forteresse et résident au château du Boy (entre Lanuéjols et Langlade).

À la fin du Moyen Âge Pierre Guérin du Tournel épouse (en 1452) Louise de Crussol (face à Valence) ; une de leurs filles épouse en 1472 Bérenger de Roquefeuil (qui a construit, dans le Lot-et-Garonne, l’un des plus extraordinaires châteaux féodaux de France), et leur fils Jean épouse en 1475 Simone d’Uzès : la lignée du Tournel est donc désormais apparentée à celle d’Uzès (l’actuel duc d’Uzès est toujours un Crussol). Or à la mort de Louise de Crussol, Jean étant décédé sans enfants, la baronnie du Tournel, par l’intermédiaire de sa fille Gabrielle (qui a épousé Sigismond de Châteauneuf-Randon), échoit à la branche des seigneurs d’Allenc et de Saint-Remèze, qui la conserve jusqu’au début du XVIIIe siècle. Ainsi, au début du XVIe siècle, Antoine de Châteauneuf (fils de Gabrielle) est seigneur de St Remèze et d’Allenc et baron du Tournel ; il a épousé Isabelle Grimaldi (la famille de Monaco possède encore un château en Haute-Loire).

Il existe encore aujourd’hui un comte et un vicomte de Châteauneuf-Randon du Tournel, qui résident à Paris.

Allenc est donc également lié aux Châteauneuf. Cette famille était vraisemblablement originaire de la région du Mézenc. Des documents attestent sa présence à Châteauneuf-de-Randon dès le XIe siècle. Mais l’histoire et la généalogie de cette famille est complexe et comporte, pour les périodes les plus anciennes, beaucoup d’obscurités. Les Châteauneuf sont en effet subdivisés en plusieurs branches, parmi lesquelles :

- les seigneurs d’Apcher (dont le troubadour Garin d’Apcher, XIIe s.)

- les seigneurs du Tournel (dès Odilon Guérin, vers 1166)

- les seigneurs de Joyeuse (Ardèche), branche d’où est issue, au XIIIe siècle, la branche des seigneurs d’Allenc et de Saint-Remèze (avec Guillaume de Châteauneuf, partage de 1255).


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A partir de 1640 le baron du Tournel siège aux Etats de Languedoc comme seigneur d’Allenc ; en 1665, Anne-Guérin de Châteauneuf, marquis du Tournel, a fait son testament dans la maison du curé Antoine Richard (mas Renouard, devenue maison Arzalier). Cependant l’histoire de la seigneurie d’Allenc a été entretemps très agitée : après être échue par mariage à Raymond de Jouvenroux (du diocèse de Saint-Flour) en 1550 (Allenc faisait partie de la dot de Vidale de Châteauneuf, fille d’Antoine de Châteauneuf), celui-ci la vend en 1567 à Aymar de Rochemure (d’origine vivaraise, et frère de l’abbesse de Mercoire). Dans l’acte de vente est mentionnée pour la première fois le droit d’entrée du seigneur d’Allenc aux Etats de Languedoc. Mais Vidale attaque cette vente (Allenc faisant partie de sa dot) et s’engage (en 1597) à vendre à son tour Allenc à Charles de Molette dès que la cour du Parlement lui aura fait droit. Cependant rien ne semble se passer puisqu’en 1635 les Rochemure vendent à leur tour la seigneurie d’Allenc à Etienne Chevalier de Rousses, seigneur d’Estables, pour 33000 livres. Le baron du Tournel proteste en 1638 lorsque l’envoyé d’Etienne Chevalier se présente aux Etats, et à partir de 1640 c’est lui qui siège aux Etats comme seigneur d’Allenc. Allenc est ainsi revenu dans les possessions des barons du Tournel. Au XVIe siècle la seigneurie d’Allenc a été promue au rang de baronnie ; la baronnie du Tournel est devenue un marquisat entre 1640 et 1665. La branche aînée des barons du Tournel l’a transmise plus tard par mariage à la famille de Morangiès, qui a conservé Allenc jusqu’en 1789.

Pour ce qui est de l’implication d’Allenc dans les grands événements du royaume au Moyen Âge, on sait peu de choses. On ignore tout d’une éventuelle participation à la croisade contre les Albigeois au début du XIIIe siècle, ainsi qu’à la campagne de Bertrand du Guesclin contre les grandes compagnies et contre les Anglais en 1380 (participation peu probable : les historiens ne citent que des chevaliers d’Auvergne et du Velay). On en sait davantage sur les périodes suivantes, en particulier sur la période des guerres de religion.

Le Gévaudan était au cœur des guerres de religion, les Cévennes, mais aussi la terre de Peyre, ayant majoritairement épousé le calvinisme. Le capitaine protestant Mathieu Merle s’est emparé de Mende à Noël 1579 et a fait fondre la grosse cloche de la cathédrale (la « Non-pareille »), offerte par Urbain V, et qui était la plus grosse cloche de la chrétienté. Mais dès 1569, les protestants s’étant rassemblés au Pont-de-Montvert dans l’intention de « mettre hors l’obéissance du Roy la tour et chasteau d’Allenc », le gouverneur du Gévaudan ordonne à Aymar de Rochemure (alors seigneur d’Allenc) de prendre les mesures militaires nécessaires ; mais les protestants s’emparent cette année-là du château et le fortifient. Le baron d’Apcher met alors le siège ; un maçon mendois, appelé pour saper les murs, est tué d’un coup d’arquebuse. Félix Remize ne dit rien du succès de l’entreprise ; il ajoute seulement qu’une dizaine d’années après, vers 1580, le château « fut démoli et ruiné […] dans des circonstance inconnues, et livré au pillage » (p. 9). En 1601 le propriétaire des ruines, le vicomte de Polignac, obtient de l’évêque de Mende la publication d’un monitoire interdisant à la population, sous peine d’emprisonnement, de piller les portes, les meubles et les pierres du château ruiné. C’est un fait que la plupart des pierres ouvragées (linteaux décorés d’accolades, etc.) que l’on trouve aux portes et fenêtres de maisons d’Allenc proviennent des ruines du château féodal. Ce château était de dimensions modestes : environ 30m x 40m, et situé en avant et en contrebas de l’église. Il n’en subsiste probablement, comme vestige visible, que la partie inférieure de la tour de l’auberge reconstruite au XVIIe siècle sur les ruines de l’aile orientale (maison anciennement de Mme Bataille).

Au début du XVIIIe siècle, lors de la guerre des Camisards, des Compagnies ont été instituées pour lutter contre les révoltés cévenols. Ces compagnies étaient formées par les communautés villageoises ; celle d’Allenc était sous les ordres du capitaine de Combeverti, Antoine de Châteauneuf, fils de Pierre de Châteauneuf et de Benoîte Richard.

Enfin, il faut signaler qu’Allenc était situé sur l’un des chemins du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle (diverticule de la voie reliant Le Puy à Rodez ; ou bien reliant cette voie à la Regordane en passant par le Mont Lozère, où étaient installés les Hospitaliers qui ont joué un rôle dans ce pèlerinage ?; certainement le chemin qui, venant de Châteauneuf, passait par le Mazel, puis montait sur le causse pour atteindre Bagnols, une voie qui devait exister dès l’époque romaine). On pouvait voir, encore récemment, plusieurs planches de cheminées décorées avec des emblèmes de ce pèlerinage (coquille avec rameaux d’olivier, étoiles…) : soit que l’un des habitants de la maison ait fait le pèlerinage, soit qu’un pèlerin y ait été hébergé et ait sculpté ce décor en compensation de son hébergement. Un habitant du Puech, nommé Pierre Farjon, a fait en octobre 1612 son testament avant de partir pour St Jacques. NB : le premier pèlerin connu est l’évêque du Puy Godescalc, parti en 950.

Autre point intéressant : le marquis de la Fare (gouverneur d’Alès), qui possédait le Mazel, a accordé le 19 octobre 1725 aux habitants de ce village un doit de forestage en forêt de Mercoire, sous certaines conditions (dont l’interdiction de vendre le bois récolté).

La période révolutionnaire

On n’a guère conservé que des faits épars :

- Allenc a été brièvement chef-lieu de canton à partir du 22 novembre 1790 ;

- Allenc a dû élire 18 « soldats nationaux » en l’An II (loi du 24 février 1793 décrétant une levée en masse) au titre du complément des armées de la République (cf Hugo : « ô soldats de l’an deux… »), élection à laquelle a été convié l’ensemble de la population. Beaucoup de bergers ont figuré sur la liste…

- le 18 prairial an II (6 juin 1794) les citoyens d’Allenc se sont fait inscrire dans la Garde Nationale : ils étaient 300.

- les biens nationaux qui ont trouvé acquéreur étaient essentiellement des prés et des champs (dont le Claux curat), à l’exception du château de Laubert ; le 28 messidor an VI (donc août 1798) la cure d’Allenc n’avait toujours pas trouvé d’acquéreur.

- en 1794, Daudé de la Prade a été nommé par les habitants d’Allenc commissaire pour établir les états de tous les parents d’émigrés du canton, et il se plaint aux administrateurs du département de n’avoir reçu d’eux que des informations partielles sur les personnes sur lesquelles doit porter son enquête (prêtres, condamnés…).

- Allenc avait un « comité de surveillance révolutionnaire » de 12 membres ; en juin 1794, étant chargé de traquer tous les déserteurs, prêtres réfractaires et gens suspects, ce comité constate (et transmet aux autorités supérieures) qu’après recherches et perquisitions dans toute la commune il a « trouvé toute la commune dans un état satisfaisant ». Sa principale mesure a consisté à faire fermer et interdire les galeries des mines de vernis (alquifoux), qui servaient de refuge aux déserteurs et autres personnes suspectes, en messidor an II.

Le curé d’Allenc était alors Guillaume-Joachim Vidal (de 1776 à 1803, mais avec des interruptions !) ; il a été arrêté, relâché, à nouveau arrêté et libéré par des femmes d’Allenc (il est mort bien après, en 1803).

La Grande Guerre

Allenc, comme toutes les communes rurales de France, a payé un important tribut (37 morts).

Une voie ferrée militaire a été tracée entre Larzalier et le lac de Charpal, pour noyer des munitions si nécessaire ; elle n’a jamais fonctionné ; il en subsiste le tracé et une maisonnette au col de la Pierre Plantée.

Un détail anecdotique : la date de la déclaration de guerre (2. 8. 1914) a été gravée au canif dans un coin de la planche de cheminée d’une maison du Mas.

La 2e guerre mondiale

En 1939 (et peut-être déjà à la fin de la Grande Guerre), un guet anti-aérien était instauré vers le sommet du Moure d’Allenc (à la verticale du Mas), dans un petit bâtiment édifié en pierres de forme carrée, qui subsiste toujours, et qui pourrait être un vestige d’une ancienne tour à signaux.

Après l’armistice la majorité des campagnes était fidèle au Maréchal Pétain, grande figure de la guerre précédente, mais on sait qu’en Lozère la Résistance s’est organisée dès  février 1941 autour d’Henri Bourillon. A Allenc, la seule information que j’aie pu recueillir concerne le couvent, où les religieuses ont caché plusieurs enfants juifs à l’insu de la population, mais sans doute avec la complicité du curé d’alors, l’abbé Coutarel.

IV — Quelques dates récentes et marquantes 

- 15/11/1902 : entrée en fonction de la ligne La Bastide-Mende.

- 1962 : installation de l’eau courante dans les maisons, après de longs atermoiements.

- 1966 : goudronnage du chemin qui va de la place de l’église au mas Pouget, et déplacement de la grande croix qui était au milieu du carrefour ;

- 1972 : modification du tracé de la dérivation de la route départementale traversant le Puech et, par voie de conséquence, déplacement de la première croix du couderc, qui était en position centrale, dans l’alignement du calvaire des « trois croix ». Ce calvaire me paraît très antérieur à la Révolution, et peut-être de la fin du Moyen Âge. En revanche, la grande croix de la place de l’église est certainement une « croix de mission », dressée, comme beaucoup d’autres en Lozère, lors de la grande campagne de re-christianisation, sous la Restauration, dans les années 1820.

- 1969 : fermeture de la poste, et de l’école publique du Puech vers 1990 (toutes deux situées au rez-de-chaussée du bâtiment de la mairie) ; les écoles de l’Altaret, de Larzalier et du Beyrac étaient fermées depuis longtemps.

V — Lieux particuliers et bâtiments remarquables 

V.A - l’église et le presbytère :

Attestée pour la première fois en 1123. Plan tréflé, caractéristique du Midi (Languedoc, Roussillon, Provence ; influence des Romains : ce plan dériverait  des bains antiques). L’église actuelle est le produit de plusieurs réfections ; l’abside était initialement celle d’une église plus petite (avec une nef d’environ 12 m de long, antérieure à 1123) ; la nef, dans ses dimensions actuelles, est du milieu du XIIe siècle ; initialement le clocher (à arcades, comme l’actuel, mais plus simple) devait être situé au-dessus de l’arc triomphal, entre le chœur et la nef) ; la tribune a été ajoutée au XIVe siècle ; la façade, avec son porche gothique et son clocher à 6 baies, est du XVe siècle, ainsi que la tour qui mène au clocher. La nef a été partiellement détruite par les protestants (tout le mur sud et la voûte), et reconstruite en 1607, mais mal reconstruite (en particulier, la base de la voûte est moins élevée au sud qu’au nord : la voûte descend donc plus bas ! voir les indications du livret disposé dans l’église). Enfin, le clocher ayant été abattu à la Révolution, il a été reconstruit (à l’identique, semble-t-il) en 1828 ; les deux cloches ont été fondues en 1858. L’acronyme « PRFR » qui accompagne la date de 1828, à la base du clocher, n’a pas trouvé d’explication, semble-t-il.

En 1721, la voûte a été peinte avec de remarquables représentations des 4 évangélistes, d’une grande finesse de traits, dans des tons brun-orangé. Ces fresques n’ont été redécouvertes que lors de la restauration de 1985-1987, mais seuls saint Jean et saint Mathieu, ainsi que le lion de saint Marc, ont pu être dégagés. C’est un ensemble unique en Lozère par sa qualité.

La cure a été édifiée en 1776. Il y avait un cloître, rebâti au XIVe siècle, certainement détruit par les protestants en même temps que le mur méridional.

L’église d’Allenc a été érigée en doyenné le 21 décembre 1851, 4 ans après la construction de la vicairie (1847). Le premier curé d’Allenc dont on ait gardé la trace était un certain Pierre, du Mazel (début du XIVe siècle).

V.B - Il y subsiste sur le territoire de la commune 2 châteaux :

1) Le château du Villaret :

Petite forteresse secondaire (un donjon sans remparts, du XIIe siècle ?), destinée à aider le château d’Allenc à protéger la voie de Mende au Vivarais qui passait par le sommet du Goulet. N’en subsiste que la pièce voûtée du rez-de-chaussée (transformée plus tard en bergerie). La tour a été entièrement refaite à la fin du XVIe siècle, du temps de la famille de Retz de Serviès, en 1591 (leurs armes figurent sur la porte du rez-de-chaussée et sur les cheminées du 3e étage) ; le toit à la Mansard date du début du XVIIIe siècle. Le nouveau chapelain, fin novembre 1400, se nomme Raymond Diet.

La famille de Villaret, présente au moins dès le XIIe siècle, a eu au Moyen Âge 2 représentants illustres (dont le premier au moins est né au château) : Guillaume et Foulques, oncle et neveu, tous deux Grands maîtres de l’Ordre des Hospitaliers de St Jean de Jérusalem (le premier de 1296 à 1306, le second de 1306 à 1317). Foulque présidait aux destinées de l’Ordre lorsque celui-ci a hérité des biens des Templiers, sous Philippe le Bel (1312). Le château a été vendu par Jean de Villaret vers 1566 ; les Retz en héritent à la fin du XVIe siècle et reconstruisent entièrement le château pour y habiter. Cette famille de Retz n’a rien à voir avec celle du cardinal frondeur, grand écrivain du siècle de Louis XIV, ni avec le sinistre Gilles de Retz.

2) Le château du Mas :

Le Mas existait au XIVe siècle (« Mas de l’Ordi », de l’Orge).

La date de construction du château est inconnue. Une description très précise, correspondant à l’état actuel, en est donnée au milieu du XVIIIe siècle : disposition des pièces, description de la façade, de la ferme et de la « maison du rentier » avec son escalier à vis. Je pense personnellement que le château a pu être édifié dans la première moitié du XVIIe siècle, le linteau de la porte d’entrée de cette maison du rentier étant décoré d’un arc en arbalète surmonté d’une croix, qui pourrait provenir de la chapelle (disparue) du château féodal d’Allenc, de même qu’un chapiteau gothique décoré de nervures retrouvé dans la même ruine — ce qui ne serait guère possible au-delà du milieu du XVIIe siècle (les belles pierres ayant été récupérées par les habitants dès la fin du XVIe s.) ; il y a aussi sa ressemblance avec le château actuel de Laubert, reconstruit au XVIIe siècle sur les ruines d’un château féodal détruit en 1579 par le capitaine Merle, et une parenté de style (quoiqu’en plus simple) avec le château de La Grange (Servières), qui est du XVIe siècle (et dont la famille, les Borrel de La Grange, a eu des alliances avec les Retz de Serviès, seigneurs du Villaret, dont l’un des membres était président-maire de la paroisse d’Allenc en 1697).

En tout cas, une maison existait à cet emplacement au XVIIe siècle.

Le château du Mas a appartenu, par mariage, en 1781, à Jean-Anne de Molette, vicomte de Morangiès, baron de Saint-Alban. Les Morangiès l’ont revendu en 1850 à M. Renouard.

V.C - La maison du Mas Renouard

Le Mas Renouard est postérieur au Bourg (qui existait déjà au XIIIe siècle). La maison « Arzalier » avec sa tour a été construite, en place d’une maison précédente, par le curé d’Allenc Antoine Richard en 1628 (curé de 1626 à 1664), qui a fait graver une formule de bénédiction sur le linteau de la porte d’entrée située latéralement, dans la cour (en latin ; « Que le Seigneur remplisse cette maison de sa bénédiction. A. Richard curé »). En 1661 sa nièce Benoite épouse Pierre de Châteauneuf, fils naturel d’Anne-Guérin de Châteauneuf, marquis du Tournel et baron de Cénaret et d’Allenc. Ce Pierre de Châteauneuf a été enterré dans l’église d’Allenc. Selon Félix Remize les Renouard d’Allenc étaient originaires de Chabalier (près de La Bastide), qu’ils ont quitté vers la fin du XIIe siècle.

V.D - le couvent 

Construit en 1896, sous l’autorité de l’abbé Touzéry, chanoine, curé-doyen d’Allenc, pour servir d’école libre de filles pour faire pendant à l’école publique de garçons, située dans l’actuelle mairie ; le terrain avait été donné par la famille André, et le village s’est mobilisé pour construire le bâtiment, chacun apportant le concours de sa spécialité (maçonnerie, menuiserie, etc.), grâce à une souscription qui a réuni 73 bienfaiteurs. Il a été occupé par des religieuses (3, puis 2) jusqu’en novembre 1977.

V.E - Mines 

- mines d’alquifoux (vers les « 4 chemins ») : sulfure de plomb servant à confectionner un vernis pour les poteries ordinaires. Ces mines sont mentionnées dans plusieurs documents au Moyen âge (dès le XIIIe siècle) et devaient être déjà connues à l’époque romaine. Le plomb argentifère était une des ressources non agricoles d’Allenc, avec les mines de baryte ;

- mines de baryte du Moure d’Allenc, près du pont du Mas : exploitées dans les années 1930 ; les bâtiments ruinés étaient encore visibles de loin dans les années 1970 ; ils sont à présent noyés dans la végétation. Il subsiste aussi l’entrée d’un puits, manifestement vite abandonné, qui a l’apparence d’une entrée de grotte, à flanc de montagne.

Allenc a donc une une histoire de très longue durée, malgré les rigueurs du climat, et très riche si onla rapporte aux dimensions actuelles de la commune.

Dominique Boutet

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